Or il advint que le 9 mars 1767, sous Louis XV, les habitants de la parcelle des Ollières se réunirent et demandèrent à leur syndic, ou représentant, le notaire Joseph Micha, d'obtenir la séparation de leur imposition royale, ou mande, de celle de Saint-Fortunat, dont ils étaient séparés par le ruisseau de Dunière, lequel, privé de pont par des crues incessantes, constituait un obstacle redoutable. L'Eyrieux lui-même était bien traversé par un pont, au niveau de celui que nous connaissons. Mais la rivière l'emportait souvent. Aussi, le territoire et les habitants au sud de l'Eyrieux appartenaient à la paroisse de Pranles. Aux Ollières, il y avait une église, et une école. ll fallait les entretenir et payer le desservant et le "régent", c'est-à-dire l'instituteur. Les habitants de Saint-Fortunat ne participaient pas à ces frais, mais exigeaient des Olliérois une contribution aux frais entraînés par leur église, leur école, etc. C'est ce qui explique la demande de séparation.
Joseph Micha s'adressa d'abord au syndic du pays de Vivarais, Monsieur de Lachadenède. Le Vivarais correspondait à peu près à l'Ardèche actuelle. Ses représentants, qu'on appelait les Etats, où les nobles et les principales villes envoyaient des délégués, avaient pour tâche principale de répartir l'impôt royal entre les paroisses. Monsieur de Lachadenède approuva, mais la décisionappartenait aux. Etats de Languedoc, qui regroupaient les représentants des diocèses de l'archevêché de Narbonne. Ces diocèses correspondaient à peu près au Gard, à l'Hérault, à la Lozère et à l'Aude d'aujourd'hui.
Seulement les gens de Saint-Fortunat n'étaient pas d'accord: les consuls (ou maires) Louis Rioufol et Jacques Planchier, le curé de Saint-Fortunat Pierre Mahet (l'église des Ollières n'était qu'une succursale de celle de Saint-Fortunat), le capitaine-châtelain (c'est-à-dire le représentant du seigneur et donc du roi de France) d'Audigier, le substitut du procureur du tribunal seigneurial de Vernoux Charles Terras, protestèrent auprès de Bernard Riou, juge général de la "ville et du comté de Chalencon". La marquise de la Tourette, baronne de Chalencon, se rangea pourtant du côté de Joseph Micha et des Ollièrois.
C'est sans doute pour cela que les Etats de Vivarais autorisèrent la partition de la "mande" le 30 octobre 1772, donc après 5 ans de démarches. A la session de novembre 1773 des Etats de Languedoc, ce fut l'évêque de Saint-Papoul, dans l'Aude actuelle, qui présenta la demande des Ollièrois. Les membres de cette assemblée, sur le rapport de Monsieur de Lachadenède, approuvèrent le 10 novembre. Le 12 mai 1774, Jean-Claude Allix, huissier à Vernoux, ordonna à Lachadenède d'envoyer désormais au consul des Ollières (en 1767, c'était un certain Pierre Moyon, mais on changeait chaque année) une "mande" séparée. Le consul devait percevoir l'impôt de tous les habitants, et l'envoyer ensuite au pays de Vivarais. ll en était responsable, y compris sur ses biens personnels...C'est pourquoi il y avait deux consuls, et fort peu de candidats...
A cette époque, on comptait aux Ollières une soixantaine de "feux", c'est-à-dire de foyers, soit environ 300 habitants, y compris l'actuelle commune de Dunière (indépendante seulement depuis 1907). La principale ressource était la vigne, suivie par les céréales et les vers à soie. En 1713, la population était estimée à 525 habitants, "plus 28 domestiques". Mais l'incertitude sur les limites de la paroisse empêche toute comparaison. Il est toutefois vraisemblable que la persécution religieuse, les calamités naturelles (inondations, grêles, sécheresses, etc), le passage incessant des troupes à cause des contrebandiers et des déserteurs, ne favorisèrent pas la croissance économique. C'est peut-être pour soulager un peu leur misère que nos ancêtres demandèrent leur "indépendance"...
Ces informations sont tirées des Archives de l'Ardèche, cote C 1519, et du registre des délibérations des Etats de Languedoc, assemblés à Montpellier 'par mandement du Roi' en novembre 1773.